Triangle Strategy (2022)

Triangle Strategy (2022)

Résumé

Incarnez Serenor, héritier du royaume de Glenbrook, et dirigez un groupe de combattants dans un scénario où chaque décision peut faire la différence.

 

BANDE ANNONCE

 

AVIS D'INTERNAUTES

J'ai vieilli, et je n'attends maintenant qu'une chose retrouver les sensations familières de mes gameplays favoris.nMalheureusement, le tour par tour n'est plus fréquent. J'attends donc avec impatience les quelques RPG (notamment japonais) qui osent ce gameplay et j'apprécie même davantage les tactical-rpg qui me permettent de retrouver le tour par tour alors qu'auparavant, c'était une sous-catégorie du rpg qui ne m'attirait pas plus que cela mais que j’ai appris à aimer avec l’âge.nJ’ai donc foncé sur ce triangle strategy dès le jour de sa sortie et ai passé plusieurs dizaines d’agréables heures à y jouer. Ce n’est certes pas une expérience particulièrement marquante dans ma carrière de joueur mais un bon divertissement que je ne regrette pas pour plusieurs raisons et notamment son gameplay. J’espère réussir à vous partager les causes de ce bon moment vidéoludique mais aussi de son caractère limité. J’espère aussi que vous pourrez grâce à mes quelques analyses déterminer si c’est un jeu fait pour vous ou non.nnDes mécaniques de jeu et des personnages classiques mais maîtrisés nnLe jeu permet potentiellement d’accumuler 30 personnages et certains combats nécessitent, ou du moins nous offrent la possibilité, d’en utiliser douze en même temps. En réalité, une première partie même poncée à fond comme la mienne ne vous permettra d’en accumuler que 25, et certains ne se joindront à votre groupe que très tardivement. Cependant, si vous accumulez rapidement des combats d'entraînement, que vous fouillez bien les petites maps et parlez à la dizaine de pnj présents à chaque “instant scénario”, vous accumulerez assez rapidement 21 d’entre eux.nnTrois questions se posent alors. Sont-ils tous développés, tous utiles, et nous pousse-t-on à tous les utiliser ?nLeur développement est classique mais maîtrisé. Ainsi quasiment tous les personnages ont une personnalité bien marquée et sont caractérisés par leur origine et une anecdote personnelle qui sera plus ou moins développée. Ce contexte permet presque toujours aussi d’ancrer davantage l’univers politique et social de ce monde, divisé en trois royaumes.nBien entendu sept personnages principaux se démarquent légèrement et sont un peu plus développés, cependant ses origines et contextes qui ont le mérite d’être là et d’être clairs restent très classiques et finalement rejoignent toujours des archétypes très connus.nMais ce minimalisme reste maîtrisé, les personnages attirent la sympathie et leur ancrage dans l’univers politique du jeu permet malgré tout d’échapper aux clichés. Pourtant dans rpg au visuel 2D, comme Bravely Default ou Octopath traveler, on atteint vraiment le cliché, c’est à dire que le personnage se résume à un trait de caractère et finalement, on pourrait l’ancrer dans n’importe quel univers de fantasy. Il y a donc certes un manque d’ambition, d’un point de vue émotionnel, ils sont sympathiques mais pas au point qu’on s’attache réellement à eux. Si ce n’est peut-être aux personnages royaux mais uniquement car ce qui pourrait leur arriver est la conséquence de nos choix. C’est donc davantage à la pertinence de nos propres choix qu’on accorde finalement une réelle importance. Maintenant on est obligé de qualifier de sérieux le traitement de ces personnages car il est difficile d’espérer davantage de développement de trente personnages. La masse de personnages caractéristique des tactical-rpg contraint ce traitement.nnSe pose donc maintenant la question de l’utilité des personnages car, si les T-RPGs tendent à atteindre ce nombre conséquent, c’est pour complexifier et varier l’aspect tactique. Et pour le coup, je trouve vraiment la construction du gameplay des personnages intelligente. Là encore, elle reste fondamentalement classique. Les personnages se définissent de ce point de vue par la combinaison de deux rôles parmi les sept suivants Guerrier / Archer / Mage / Unité mobile / Soutien / Soigneur / Défenseur. Cela permet en théorie 21 combinaisons de deux rôles (voir 28 en considérant comme combinaison, un personnage se définissant par un unique rôle plus poussé), et toutes les combinaisons sont quasiment utilisées. Parmi les trente personnages qui peuvent nous rejoindre dans une première partie, les seuls vrais doublons se trouvent dans les 8 derniers personnages qu’on acquiert pour la moitié de manière très tardive dans le dernier chapitre du jeu, soit accessibles principalement par un New Game ). Il y a donc une véritable diversité, et un véritable intérêt tactique à tous les personnages. Et finalement, même les doublons tardifs se révèlent utiles d’un point de vue tactique dans une nouvelle partie, avec des adversaires qui commencent au niveau 34, la variété tactique ne devant plus être alors privilégiée mais avant tout l’efficacité tactique. Pour certains combats deux purs soigneurs par exemple se révèleront bienvenus dans ce New Game alors qu’on peut très facilement sans passer dans une première partie. Alors certes, un habitué des T-RPG ne sera en rien dépaysé, il n’y a pas de réelle innovation dans le gameplay, c’est très classique. Mais c’est tout de même une véritable qualité que d’être aussi rigoureux sur chacun des personnages.nnAlors bien entendu, on utilisera pas les trente personnages lors d’un même combat. Mais si le minimum de personnages que l’on peut utiliser dans un combat est de six, en réalité, une bonne partie des combats nécessite, ou du moins nous engage à en utiliser dix voire douze.nLe système d’expérience et la difficulté des combats nous poussent malgré tout, à en utiliser la plupart, voire à tous les utiliser quasiment pour maximiser notre efficacité. Le jeu n’est pas simple, la difficulté est réelle et surtout va croissante. Et mieux encore, le jeu se révèle accessible même pour les joueurs qui, comme moi, n’aiment pas spécialement galérer. Ainsi, si exigeant qu’il soit, il est aussi très permissif et indulgent. Les morts de personnages en combat ne sont pas définitifs. Bien entendu, il y a quelques exceptions quand l’objectif de certains combats exige de garder un personnage bien précis en vie, mais cela reste restreint à un unique personnage (à un combat près) et épisodique. De plus, il est possible d'entraîner ses personnages, leur niveau ou leurs armes, lors de combats d'entraînement qu’on peut refaire à l’infini. Là encore, si le système présente de véritables indulgences; que j’ai appréciées, cela ne va jamais à l’encontre du gameplay. Tout est limité pour ne pas retirer au jeu ce minimum de difficulté qui implique d’établir si ce n’est une stratégie, au moins une tactique. Il s’agit ici de conserver le plaisir de jouer à ce genre de jeu. Les combats d’un T-RPG sont bien plus longs que ceux d’un J-RPG tour par tour, sans difficulté, sans tension, ils deviendront longs, laborieux et donc ennuyants. En théorie, il est possible grâce à ces combats d’entraînement d’augmenter le niveau des personnages de manière à “casser” le gameplay mais dans la pratique, on évite cela car les entrainement sont toujours d’un niveau en-dessous du prochain combat dicté par le scénario. (Les combats de niveau pair sont ceux du scénario, ceux d’entraînement de niveau impairs) Et si un personnage n’a jamais besoin que de 100 xp pour passer au niveau suivant, le montant d’xp rétribuée pour chaque action dépend de l’écart entre le niveau du personnage et le niveau du combat. Il faut ainsi effectuer cent actions pour qu’un personnage augmente de niveau si le sien est trois niveaux au-dessus de celui estimé du combat. Cela serait donc très long, sachant que j’estime la durée d’un combat qui se déroule bien à 10-15 minutes en moyenne, et qu’un personnage effectue entre 5 et 10 actions en moyenne par combat.Ce système ne nous pousse donc pas à farmer de manière exagérée. Cependant, il nous pousse à utiliser tous nos personnages, car il devient au contraire assez rapide de mettre un niveau un personnage. Dans le cas extrême d’un personnage au niveau inférieur de dix niveaux à celui attendu, quatorze actions et donc deux à quatre combats d’entraînement pourraient lui permettre de rattraper son retard. Les personnages plus tardifs arrivent dans votre groupe avec le niveau attendu. Il n’y a donc pas non plus la frustration de devoir entraîner longuement un nouveau personnage avant de l’utiliser.nOutre le niveau, il est aussi possible d’améliorer un personnage par le renforcement de ses armes ou capacités mais là encore, les armes et capacités sont distinguées en trois niveaux et les objets nécessaires à chaque niveau diffèrent. Bien entendu, la disponibilité de ces objets se débloque au fil de l’aventure. Il y a donc à la fois possibilité d’améliorer ses personnages et donc de simplifier les combats, mais aussi des limites intelligentes.nJ’ai été agréablement surpris d’ailleurs de la difficulté croissante des combats. Moi, qui me croyais malin à entraîner mes personnages, et ne m’attendais finalement qu’à des combats relativement aisés, j’ai dû sacrifier certains de mes principes. Pendant la moitié (peut-être les deux tiers du jeu), je m’étais imposé à moi-même la contrainte de ne pas laisser un personnage “mourir” pendant un combat, bien que le jeu me laisse cette possibilité sans conséquences, quitte à refaire un certain nombre de fois certains combats que je pouvais facilement gagner avec quelques “morts”. J’avoue que durant certains combats du dernier tiers du jeu, j’ai finalement abandonné ce principe. J’ai même été jusqu’à laisser “quatre” personnages “mourir” dans le dernier combat du jeu.nnAlors bien entendu pour cette dernière partie, je ne me suis fondé que sur mon expérience du niveau de difficulté “normal” et “difficile”, je n’ai pas essayé le mode explorateur ni le mode facile, ce dernier me semblant surtout approprié pour des enfants jouant pour la première fois à ce type de jeu. Le mode explorateur me semble lui, une mauvaise idée, qui gâcherait le gameplay et menant ainsi droit à une déception. En effet, il est censé être fait pour permettre d’apprécier l’univers du jeu et son scénario, et ce ne serait alors pas forcément le cas. C’est pourquoi je dois donc en parler maintenant.nnUn univers et un scénario intéressants, parfois frustrants mais dépassionnésnnA l’image des mécaniques de jeu, le scénario et l’univers du jeu sont le fruit d’un travail sérieux. Les développeurs ont créé un véritable univers géopolitique, autour de trois royaumes dont la culture est déterminée par la géographie de leur territoire. Un pays oriental, dans le désert, mené par une politique religieuse radicale et égalitaire dont l’économie repose sur un monopole du sel, un pays septentrional dans des contrées glacées à la culture rude et privilégiant une liberté acquise par la force militaire, et un royaume central fertile dont la culture modérée s’est formée par son rôle de tampon et d’arbitre entre ces deux puissances. A partir de ce point de départ de tension, politique, le jeu nous plonge dans une situation quelque peu précaire, malgré la paix établie. Le héros et l’héroïne seront ainsi à la fois politiquement et personnellement impliqués par les intrigues politiques des trois royaumes. Si la paix cherche à se fonder dans la gestion commune d’un projet minier, la fin de l’acte I en fera l’objet de la crise. nnCe qui est appréciable dans la mise en oeuvre de ce scénario, c’est finalement que les histoires intimes de nos principaux personnages se trouvent mêlées à l’intrigue politique. En théorie, il y a donc des enjeux scénaristiques et émotionnels. Ceux-là sont très présents dans l’expérience du jeu, on passe quasiment autant de temps en combat qu'à lire les très nombreuses scénettes qui parcourent le scénario. Sans les combats d’entraînement, on passerait même bien plus de temps à lire qu’à jouer. Il y a donc une véritable construction du scénario qui n'oublie pas les nombreux rebondissements. A nouveau, on ne peut pas reprocher aux développeurs un travail qui ne serait pas sérieux. Cependant, le plaisir de ce scénario reste pour moi limité par deux aspects. Comme beaucoup de jeux de ce type, dont le public principal a acquis un certain âge (trentaine ou quarantaine), ils optent pour des ambitions visuelles limitées que pallie la nostalgie pixel art/visuel 2D et absence de cinématiques. C’est malheureusement selon moi un vrai frein à l’impact émotionnel, qui nécessite généralement une certaine passivité. Or, ici, puisqu’il faut faire défiler les dialogues, il y a un impératif d’action nous empêchant de nous plonger dans ce récit. Et bien entendu, ce type d’action n’est pas non plus folichon… Sans cinématique, le travail artistique, visuel, aussi agréable soit-il, pâtit sur ce plan d’un manque de mise en scène subtil. On tombe parfois donc dans un certain pathos très attendu, voire cliché, quand il s’agit de nous présenter le quotidien terrible de certaines populations. N’étant pas pris par la mise en scène d’une cinématique, on trouve donc parfois certains passages terriblement convenus, bien pensants.nCe point noir (gris, en réalité, c’est loin d’être atterrant) est d’autant plus paradoxal que l’univers de ce jeu refuse un certain manichéisme, aucun régime politique, aucun pays ne ressort finalement ni tout blanc, ni tout noir. Il y a finalement dans chaque pays des habitants bien comme mal intentionnés, bien que les personnages eux, pris individuellement, restent assez manichéens. Ce refus de manichéisme est cependant essentiel et prenant pour le joueur, car le jeu le pousse à s’impliquer personnellement dans des choix qui ne sont jamais si simples. Il ne semble que rarement y avoir un bon choix. En distinguant trois perspectives morales (le choix de l’éthique, de la liberté et du pragmatisme), le scénario nous pousse finalement à anticiper systématiquement des sacrifices, que cela soit des sacrifices humains ou des sacrifices moraux, les concessions semblent un passage obligé. Le jeu est subtil dans sa façon de nous le faire comprendre, ainsi, il prétend nous retirer le poids des décisions, en prétextant les laisser aux votes de nos sept compagnons. Le héros lui-même ne peut d’ailleurs pas voter. En réalité, si on ne bâcle pas le jeu, il est assez facile d’obtenir systématiquement un vote en faveur de la position souhaitée en convainquant certains personnages de changer d’avis. Mais la mécanique n’est pas inutile pour autant, car elle instille l’idée que nous ne sommes finalement ballotés par les décisions des autres. Ce qui est vrai finalement, certes nos compagnons nous limitent finalement peu, mais nos décisions restent finalement contraintes par les options très limitées que nous offre la situation. On appréciera aussi, avec de la frustration malgré tout, notamment pour les dernières décisions, les conséquences imprévisibles de nos choix. Le jeu ne joue pas tant sur la surprise, les conséquences de nos choix (à un choix près) ne sont jamais vraiment surprenantes, ce sont quasiment toujours des possibilités envisageables, voire envisagées. Et si les personnages et leurs décisions ne nous surprennent pas, le fait est qu’on n’est pas en charge du déroulé du scénario paradoxalement. Je trouve intelligent (et frustrant à nouveau) d’ouvrir les différentes possibilités de scénario non pas pour satisfaire le joueur mais pour au contraire lui faire ressentir ses limites. Ce qui est intéressant aussi, c’est que chaque action de gameplay est utilisée pour jauger notre échelle de conviction (éthique, liberté, pragmatisme). Ce n’est pas seulement les choix de dialogue qui influent sur elle, mais toutes nos actions. (acheter/vendre des objets, fouiller les zones, parler à des pnj, soigner un allié en combat, attaquer en tenailles un ennemi…). J’ai aussi beaucoup aimé l’idée que certains combats puissent être rendus plus difficiles par les conséquences de certains de nos choix.nMaintenant, restent deux frustrations majeurs qui ne sont pas positives cette fois-ci. Les causes de la crise minière à la fin du premier acte, ne sont pas dévoilées officiellement au joueur et les personnes ne la devineront jamais avant de la découvrir de visu à la fin du scénario, or celle-ci est d’une telle évidence, qu’on ne doute pas un instant d’elle. La révélation tombe à plat. Et on se dit pendant tout le jeu que pour des dirigeants de royaumes parsemées d’intrigues politiques ne pas deviner ou au moins envisager cette possibilité, c’est ridiculement stupide. En plus, avec les trentes compagnons, pourrait au moins y en avoir un qui soit pas con comme ses pieds à ce propos. La deuxième frustration reste le manque de maîtrise du joueur sur la fin. La fin cachée, qui est finalement, la fin qu’un joueur qui fouille tout, qui s’entraîne, qui prend son temps comme moi, recherche et obtient généralement est aussi quasiment impossible à avoir dans une première partie sans guide. J’ai pourtant clairement perçu le chemin qui serait à prendre, les enjeux à suivre. Et j’ai donc multiplié les bons choix en usant de logique pour parvenir à cette fin. Mais, le seul choix obligatoire que je n’ai pas suivi était impossible à anticiper, à prévoir, c’est la seule possibilité qui n’était pas spécialement envisageable, au moment d’effectuer ce choix. C’est assez dommage, je trouve.