L.A. Noire (2011)

L.A. Noire (2011)

Résumé

L’aventure se déroule en 1947, dans un Los Angeles d’après-guerre en proie à toutes sortes de crimes. Vous incarnez Cole Phelps, un ancien officier de l’armée américaine reconverti en membre du célèbre LAPD : démarrant tout en bas de l’échelle comme simple flic, vous gravirez rapidement les échelons en résolvant les affaires qui vous sont confiées. Avec un tel thème, vous ne serez pas surpris d’apprendre que votre temps sera partagé entre des investigations sur les scènes de crime, des interrogatoires de témoins et de suspects, quelques courses-poursuites à pied ou en voiture, et des combats à mains nues ou l’arme au poing.

 

BANDE ANNONCE

 

AVIS D'INTERNAUTES

L.A. Noire est un jeu difficile à appréhender. Le titre ne se dévoile pas si facilement, et quand on pense enfin avoir mis la main dessus, il se ravise. Pensé comme un véritable hommage au film noir des années 1940, l'univers et l'esthétique générale du jeu le rattachent davantage au courant néo-noir/pulp de la fin des années 1950. Dans les faits, on se rapproche donc plus du quatuor de L.A. de Ellroy que des romans de gare de Goodis.nnD'autre part, le jeu a beau bénéficier du Rockstar's Seal of Quality, il ne faudra pas s'attendre à une aventure open world adaptée à la sauce fifties ici. En effet, si le Los Angeles de 1947 est fidèlement reconstitué et accessible dans son intégralité (hormis quelques banlieues très excentrées), il ne faudra pas compter y faire grand-chose, ce qui est assez frustrant finalement. Les australiens de la Team Bondi ont préféré se concentrer sur le scénario de leur petit bébé, en adoptant une narration linéaire, morcelée comme une série télé. Concrètement, le jeu est divisé en cinq chapitres, un pour chaque département de police que le héros traversera, eux-mêmes divisés en enquêtes. Ces enquêtes s'enchaînent de manière linéaire et sont entrecoupés de cut scenes détaillant les divers fils rouges scénaristiques, comme dans toute bonne série policière qui se respecte.nnDommage cependant d'avoir trop collé à ce format au point de n'épargner aucune digression de la part du joueur. Le peu de choses qu'il y à faire dans les rues de Los Angeles (intervenir sur des délits mineurs, rechercher des bobines de classiques du cinéma noir, ajouter des véhicules à sa collection, visiter des monuments... et c'est à peu près tout), on sera encouragé à les faire en-dehors des enquêtes, en mode Free Play. Un bon point pour la narration contiguë, mais qui plombe cette impression de liberté qui caractérisait les précédentes productions Rockstar. J'en viens à me demander pourquoi avoir pris la peine de modéliser cette ville tentaculaire pour y faire si peu de choses, sorti des enquêtes.nnOn en vient à un des principaux problèmes du titre, à mon avis le choix d'un héros enquêteur était logique pour ce genre du jeu, mais en faire un policier amène tout un protocole qui peut s'avérer très énervant sur le long terme. Le fait de jouer une racaille immigrée ou un chasseur de primes au passé trouble pardonne plus d'exactions qu'avec un policer aux dents longues qui doit respecter le protocole s'il veut espérer grimper dans la hiérarchie. Ici, pas de flair ou d'intuition, impossible de tabasser un suspect à coup de bottin pour lui faire avouer un crime qu'il n'a pas commis, on se contente de récupérer des indices sur la scène de crime et d'interroger les suspects en fonction de ces mêmes indices récupérés auparavant. Un protocole répété ad nauseam au sein des enquêtes, avec parfois une course-poursuite ou une fusillade pour rythmer le tout. L'idée d'imposer ces contraintes au joueur est plutôt couillue, seulement difficile de ne pas avoir l'impression de jouer avec un auto-pilote qui orienterait chacune des actions. Impossible de résoudre les enquêtes autrement que par le cheminement qui aura été pensé par les développeurs (d'ailleurs impossible de vraiment rater une enquête, juste de plus ou moins la réussir), et l'impression de jouer à un épisode interactif des Experts se fait parfois ressentir.nnImpression renforcée par ces aides qui assistent le joueur en permanence. Sans parler des aides à la recherche d'indices qui sont facilement désactivables, on aura aussi affaire à des aides aux mouvements qui dirigeraient presque le personnage tout seul, à ces aides lors des interrogatoires quand une grosse croix se placera à côté d'une question ratée ou que le suspect se mettra à rouler des yeux comme un Pied Nickelé pour vous signifier qu'il est effectivement en train de mentir (ACTOR'S STUDIO), à cette aide lors des poursuites quand le suspect en fuite aura la bonté de s'arrêter et faire des étirements le temps que vous le rattrapiez, ou encore cette aide qui vous propose carrément de passer les séquences d'action quand elle vous sent trop mauvais. Personnellement, je n'ai rien contre ces aides, mais j'aurais apprécié la possibilité d'en désactiver un peu plus (et d'augmenter la difficulté au passage, parce que là les fusillades se font un peu en God Mode). La volonté de s'orienter vers un public un peu plus casual n'est pas gênante en soi, mais elle laissera sur le carreau des joueurs qui comme moi recherchent une bonne aventure mais aussi un peu de challenge pour rendre le tout un peu plus intense. Ceci dit on a échappé à Heavy Rain et ses QTEs rédhibitoires, même si à certains moments on s'en approche.nnNe laissez pas perturber pas mon ton pessimiste, cependant. J'ai pris un réel plaisir à jouer à L.A. Noire. Malgré quelques défauts, certaines enquêtes peuvent être véritablement grisantes (surtout quand on arrive à la brigade criminelle et que les choses commencent à devenir sérieuses), et l'ambiance superbe aide à dévorer le jeu d'une traite. Dommage cependant que tout ait été pensé comme un superbe tour de manège et que les ficelles soient trop apparentes. Pour peu que l'on soit amateur de pulps et des années 1940-1950, tout l'état d'esprit de cette époque (avec la vision que l'on en a aujourd'hui, certes) se retrouve condensé dans le jeu, et pour un amateur comme moi, c'est du caviar que l'on n'avait pas eu l'occasion de goûter depuis le premier Mafia.nnL.A. Noire est en outre soutenu par un moteur graphique très propre, à défaut d'être exceptionnel (on notera tout de même quelques grosses chutes de framerate en début de partie, le temps que le jeu mette la carte en mémoire), et surtout d'une mise en scène de haute volée. De la musique aux angles de caméra, en passant par les performances vocales et scéniques des acteurs, tout contribue à placer le joueur au milieu d'un polar de De Palma (je ne citerai pas Hawks, Wilder ou Huston cependant, la comparaison ne tournerait pas en faveur du jeu). L'idée d'appliquer à la fois voice et motion capture à tous les personnages peut paraître too much (la manœuvre est certes ambitieuse, mais elle impose aussi de rester dans les clous lors des enquêtes et renforce cette impression de film interactif), mais en pratique c'est un détail qui aide grandement à rendre l'environnement crédible.nnLe scénario quant à lui est en demi-teinte. Si quelques détails sont bien sentis (certains personnages nommés selon d'autres personnages plus ou moins célèbres du cinéma noir, et le petit jeu sympa où l'on s'amuse à chercher qui vient de quel film), certaines enquêtes sont des références directes à des classiques du ciné et de la littérature (notamment Assurance sur la Mort, La Dame de Shanghai ou Le Dahlia Noir), tellement directes qu'elles en sont à la limite de la repompe parfois. Brendan McNamara, scénariste et réalisateur, est un véritable amateur (et connaisseur) du genre, et cela se ressent malheureusement trop, car au milieu de cet amoncellement de clichés et de petits trucs pris à droite à gauche le scénario peine à développer une véritable identité. Les enquêtes en elles-mêmes sont plaisantes, mais la trame développée en parallèle tout au long du jeu est particulièrement bancale.nnL'ambiguïté morale du héros, point crucial du film noir, est ici terriblement exagérée, avec un Cole Phelps que l'on connaît d'abord arriviste mais droit dans ses bottes, avant de passer pour le dernier des connards du jour au lendemain, puis de chercher la rédemption pour des actes qu'il a commis bien auparavant (et qui n'ont pas grand-chose à voir, donc). Sans spoil aucun, disons qu'en lieu et place d'un héros ambigu, on se retrouve avec un héros légèrement emokid sur les bords qui aurait aussi bien sa place dans un bouquin de Stephenie Meyer, dont on ne sait pas grand-chose pendant les 3/4 du jeu, avant que tout ne lui tombe sur la tronche d'un coup. La multiplication des moyens de narration n'aide en rien, entre les flash-backs, le narrateur qui intervient au tout début pour se faire oublier dans la foulée (assez troublant, surtout lorsqu'il s'agit d'un personnage que l'on retrouve bien plus tard dans l'aventure), les gros titres des journaux et la narration intra-diégétique, le scénario garde tout de même une cohérence assez impressionnante, sauf en ce qui concerne notre cher Cole Phelps. Un comble. Je peux paraître un peu amer, mais un jeu proposant de jouer une chiffe molle pendant une vingtaine d'heures (moins deux-trois heures finales où un twist scénaristique un peu bizarre change la donne) fait logiquement cet effet. Bref, le jeu se plante sur le point précis où il se devait d'être irréprochable, et c'est dommage, même si ça n'enlève rien aux qualités des autres personnages par ailleurs.nnJe suis très critique envers L.A. Noire, mais c'est peut-être parce que les gars de la Team Bondi ont tenté quelque chose de trop ambitieux pour un coup d'essai. Le concept, aussi original et novateur soit-il, n'est pas pleinement exploité, et le jeu dévoile quelques défauts formels bien présents, même s'ils ne pourrissent pas l'expérience. D'autre part, à trop vouloir rendre hommage au film noir, le jeu oublie de se forger une réelle identité en route et prend le risque d'être comparé directement aux oeuvres qu'il célèbre. Dans un genre cinématographique déjà bien chargé, L.A. Noire serait probablement médiocre. En tant que série télé, le titre serait à l'image de beaucoup de productions, chiant au début, génial au milieu, et bien mais sans plus à la fin. Heureusement, ce n'est pas un film ou une série mais un jeu vidéo, et l'expérience qu'il procure vaut la peine d'être vécue pour les amateurs et les curieux.